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Sur les traces de la paix

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A travers l'Ancien Testament et le Nouveau Testament

Chaque année, au moment de Noël, nous nous remémorons ce parcours du Messie tant attendu par les générations qui nous précédèrent... Parcours qui se concrétise par la naissance d'un enfant et la parole joyeuse qui l'accompagne portée par une voix angélique:"Bonne nouvelle de paix (Lc 2,14) pour les femmes et les hommes de bonne volonté". La paix est, certes, annoncée par le ciel, mais reste à faire par, et avec, cette nouvelle personne, sur la terre, dans la réalité quotidienne de l'humanité. Rude tâche.

Pourquoi se rappeler le souvenir de cette histoire ancienne dont nous connaissons la conclusion ? Porte-t-elle encore une ou plusieurs dimensions du sens pour aujourd'hui ? L'état de violence qui règne de manière plus ou moins larvée dans le monde ne nous conduit-il pas à penser que certains éléments en auraient été mal saisis...Jetons un regard sur trois aspects de la longue histoire qui a précédé ce moment de naissance.

Premiers pas...

Parler de la paix suppose l'existence de conflits, d'affrontements, de guerres. Faire la paix n'est-ce pas le travail de ceux qui dirigent un peuple, une société? De ceux qui gèrent le pouvoir et le droit? Cherchant des exemples dans le monde biblique, nous y rencontrons des leaders politiques et spirituels, des hommes et des femmes...

Ainsi, par exemple, le roi-sage Salomon. Sa manière de rendre la justice n'est-elle pas restée célèbre? Ne trancha-t-il pas un conflit entre deux mères et deux enfants, dont l'un vivait et l'autre pas en proposant de partager le vivant entre elles? Cela eut pour effet de conduire la vraie mère à lâcher prise et de la distinguer de l'autre. Pour radicale qu'elle semble, sa manière de faire la paix dénotait une grande connaissance de la raison et du coeur humains (1 Rois,3,16ss).

Se donner mutuellement la paix, c'est vivre d'abord la communication jusqu'à établir un pacte, un traité, une alliance, c'est-à-dire une loi qui fonctionne comme tiers en cas de litige. Elle signifie aux yeux de tous que ces deux partis sont soumis à une règle commune. Cette dernière étant mise sous la garde de Dieu, dit alors Seigneur de la paix. Souvent, Abraham a été instigateur et négociateur de telles alliances avec ses voisins et ses parents. Et, il essaya même d'user de ce savoir-faire lors de ses tractations avec Dieu pour sauver Sodome.

Lorsqu'une telle situation n'existe pas. Lorsqu'entre deux partis, l'un a le droit pour lui et l'autre, est étranger sur la terre qu'il habite, alors la paix est en danger. Il faut des agents, des 'ouvriers de paix' pour bâtir les conditions d'une alliance. Et pouvoir avancer dans la construction de cette alliance requiert d'abord de rendre justice.

Une telle situation nous est racontée par le livre d'Esther. Il s'agit d'une reine. Elle s'entremettra au risque de sa vie pour gérer une délicate situation de conflit et établir les véritables conditions de la paix. Habile négociatrice, à trois reprises elle invitera Artaxerxès, son époux-roi, à un repas au cours duquel la vérité se fera jour et la demande de la reine pour son peuple sera entendue et exhaussée. Esther, agente de la paix avec l'aide de son Dieu, par amour pour son peuple et son roi.

Des situations de crises viennent briser de fausses paix.

Il est des conseils qui sont donnés pour que vienne la paix... tel celui d'accepter 'l'ordre des choses'. Sont-ils pour autant source de paix ? Rien n'est moins sûr. D'abord quel est-il au juste cet ordre des choses à accepter ? Est-ce celui que l'on voit d'emblée, avec son cortège d'injustices, de violences, d'entorses au droit? Où y en a-t-il un autre? Ordonné selon d'autres critères ?

Il est une voix biblique qui raconte -dans le livre de l'Exode par exemple- que sous l'oppression, réduit en esclavage, le peuple a crié vers Dieu et a été entendu. Il en résulta l'envoi de quelques leaders (Moïse, Miryam, Aaron) pour l'aider à sortir de cette situation. Si les Envoyés font simplement accepter l'ordre des choses , sont-ils cohérents avec leur mandataire? Les prophètes n'ont-ils pas critiqué ceux et celles qui ont agit à la légère ? Ainsi, Ezéchiel "Puisqu'ils ont égaré mon peuple en disant 'paix!? alors qu'il n'y avait point de paix...13,10", ou encore Jérémie: "Ils ont vite fait de remédier au désastre de mon peuple en disant: 'Tout va bien! Tout va bien!, Et rien ne va' ".8.11.

Donc. Evaluons chaque la situation du point de vue de la justice avant d'agir pour la paix.

Le rôle de l'envoyé fut asimilé à celui de messie. Dès l'annonce de sa venue par la prophétie d'Esaïe, un certain nombre de qualités sont attribuées au messie. Elles découleront de sa présence, voire déjà de sa proximité. Que l'Oint choisi par Dieu, soit un roi, un prophète, ou un prêtre, qu'il vienne d'une famille d'Israël ou d'ailleurs (Cyrus), qu'il soit signifié par une forme nouvelle telle la Shekhina (mot qui traduit, dans la tradition juive, la présence de Dieu parmi son peuple) toujours le pouvoir de la paix lui est reconnu.

Sous un règne messianique, il est dit que 'le loup habitera avec l'agneau' Est-ce plutôt cela l'ordre des choses ? Pour arriver à une telle situation ne faut-il pas d'abord que le loup accepte l'agneau et l'agneau le loup ? Ne faut-il pas d'abord remettre en question l'ordre des choses actuel, en accepter la perturbation, le questionnement pour arriver à une situation plus juste pour les uns et les autres? A une situation où la différence entre le loup et l'agneau ne conduise plus à la dévoration de l'un par l'autre ?

Jésus a été appelé 'Prince de la paix', ce qui est une autre façon de reconnaître sa force messianique. Pourtant, un regard sur son parcours terrestre nous fait très vite prendre conscience de l'hostilité croissante qui se levait sur ses pas et ses paroles. Posons alors la question (après d'autres, tels M.Balmary dans sa conférence de mars 2000 La femme et le serpent ) n'y a-t-il pas une 'hostilité divine' qui précède le règne de la paix ? Qui y contribue en y conduisant? Qui est non seulement inévitable mais nécessaire? Destructrice des illusions, des rêves de miracles, des faux dieux...

Une 'hostilité divine' s'opposant à un faux ordre des choses, donné pour vrai. Hostilité portée avant Jésus par les prophètes, reprise par lui (cf Mt.10,34), mais souvent aussi par les étrangers, les femmes, les enfants...tous ceux et celles qui questionnent un ordre social injuste, par leur cri ou leur solidarité.

Une 'hostilité divine' pour que s'accomplisse un jour le shâlom (ce terme est aussi appliqué à ce qui est sorti sain et sauf de la guerre).

Shalôm ! une salutation comme souhait et don.

Dans la vie quotidienne, le shalôm est une forme de salutation qui appelle une bénédiction divine sur l'autre. Un souhait de plénitude, une voie d'accomplissement qui touchent à tous les niveaux de la vie (il faudrait plus de 10 termes français pour traduire ce mot hébreu). Plénitude pour la vie personnelle et communautaire.

La paix n'est-elle aussi la force spirituelle qui lutte contre la dislocation, la dispersion, la différence qui peut générer des ruptures. Que cela se situe au niveau d'un individu ou d'une société. Dans la culture hébraïque, le symbole en est l'être humain qui descend au séjour des morts en paix, c'est-à-dire non disloqué, non amputé d'une part de lui-même, tout entier, tel Jésus de Nazareth. Un tel état signifiait la non coupure avec Dieu même dans la mort (Gn.15,15;2R 11,20; Es.57,2). La paix comme force de cohésion dont nous avons particulièrement besoin dans nos modes de vie actuels qui provoquent souvent l'éparpillement, la dislocation, la perte d'une partie de nos potentialités.

Jésus, le Christ, sachant sans doute cette nécessité de vie, avant de quitter ses disciples, après la résurrection, les salue du terme shalôm! Il les rassurent ainsi, les fortifient et leur donnent sa paix; justement cette paix à nulle autre pareille, acquise au terme de son incarnation. Paix qui ne fait pas l'économie des hostilités nécessaires, mais les traversent et les dominent, établissant ainsi réellement un règne nouveau qui met fin à la puissance destructrice des sources de conflits.

Une fois encore, en ce Noël, la venue du prince de la paix nous est annoncée, portant la mémoire de ceux et celles qui l'ont précédé dans cette tâche. Une fois encore nous sommes convié-e-s à faire mémoire de cette paix annoncée, puis effectuée et reçue dans un temps donné. Puis, à entendre cette annonce au présent et à participer à sa concrétisation aujourd'hui.

Lausanne, octobre 2000, Michèle Bolli, mibolli@mydiax.ch 


Textes de théologiennes romandes - collectionnées de Michèle Bolli, Dr. en théologie