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L’Amour de l’autre, le rire, la vie
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Et sa femme fut prise d’un fou rire inextinguible. « Décidément » se dit-elle, « cet étranger ne connaît rien à la vie humaine… ». Lui annoncer une naissance, à son âge, signait l’incongruité de sa parole en total décalage avec la réalité. Parole utopique ? Parole de folie ? Parole, pourtant, qui tranche et ouvre en cette femme, son être-mère jusqu’à cette matrice qui semblait irrémédiablement fermée, vouée à la mort. Et ce rire, qui s’égrène, en signe la vérité. Sara surprise, n’étant pas sur ses gardes, est saisie par la puissance de vie de Dieu… Elle sera, porteuse de cette vie en germe, Isaac.

Tout ceci advint à cause de son époux, Abraham. Ce nomade accueillait tout étranger de passage, lui offrant à boire, à manger… Restaurant ses forces physiques. Et de plus, s’asseyant avec lui , pour un moment de détente, de repos, de paroles échangées.

Convivialité réparatrice pour eux. Et pour lui ? Esprit curieux… N’adorait-il pas se laisser surprendre… Se déranger… S’ouvrir mentalement à ce que l’autre allait lui dire. Moments de distraction, bienvenus dans l’écoulement, parfois monotone, des jours… Possibilités de recevoir des nouvelles des autres, ceux qui habitent aux frontières de son territoire… Et qui sait ce qu’on allait encore lui en apprendre ? Mais en ces étrangers-ci, comment a-t-il reconnu Dieu avant qu’Il ne se dévoile par ses paroles ? (Genèse 18,1-15).

L’accueil de l’étranger n’est-il pas toujours aussi l’accueil d’une parole différente, qui surprend, qui fait sortir des cadres reçus, qui fait craquer les schémas mentaux, qui suscite la moquerie parfois, ou le fou-rire de détente. Mais ainsi, met en route la pensée, l’imagination, et avec elle, la vie…

Irruption salvatrice de l’autre. Irruption dévastatrice pour l’organisation habituelle de la vie, mais qui ne laisse pas un vide, plutôt le germe d’une nouveauté en devenir, d’une vie qui déjà s’annonce…

Si l’étranger, le voyageur, était toléré en Israël, voir même soutenu, de diverses manières, au temps de Jésus, la différence était clairement marquée entre Juifs et non Juifs, étrangers. Les populations ne se confondaient pas.

Ainsi, lorsque la Syrophénicienne – femme étrangère, vint demander de l’aide, à Jésus, pour sa fille souffrante, elle se fit d’abord rembarrer. Difficile d’être celle qui dérange…D’être l’autre…

Puis, devant son assurance et ses arguments, il la regarda et la comprit différemment. Il l’écouta et l’exauça. Cela montre bien que la communication d’un rabbi avec une telle personne n’était pas prévue. Lui répondre, demanda à Jésus de faire un pas au-delà de la Loi, de mettre en œuvre son amour et sa grâce.

L’amour de l’autre (philoxena) , de l’altérité, de la différence et de celui-celle qui en est le représentant-te, n’est-il pas une partie de l’agapè ? Ne serait-ce pas, concrètement, accueillir l’étranger-ère. Offrir l’hospitalité réparatrice. Partager le pain et la boisson. Ecouter sa parole, son point de vue sur la vie 1. Entrer en dialogue, se faire comprendre aussi de lui, d’elle. Echanger. Le- la laisser repartir vers sa vie.

N’est-ce pas, par lui, par elle aussi, que Dieu rejoint l’humanité et lui communique sa force de vie ?

Michèle Bolli: Revue 'Vivre', mai 2003

1. cf. mon cahier « Désirs d’être, Des cinéastes su Sud nous emmènent dans leurs cultures », Lausanne 2000.

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Textes de théologiennes romandes - collectionnées de Michèle Bolli, Dr. en théologie