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Pour mémoire
Magdalites 1992-1997

Traces d’un groupe de théologiennes

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Histoire du Groupe ‘Magdalites’

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Ce fut à Lausanne, en fin 1991 début 1992, qu’un jour, j’allai frapper au guichet de la Bibliothèque des Cèdres pour trouver Bernadette Neipp et lui proposer de créer un groupe de théologiennes à Lausanne (Vd-CH).

Elle accepta aussitôt.

J’avais testé l’intérêt d’un tel groupe, et elle aussi, car nous avions fait partie l’une et l’autre de deux groupes genevois similaires : celui duquel je faisais partie s’appelait IBSO (abréviation de la phrase anglaise: In But Also Out ), et l’autre, dont elle avait fait partie, s’appelait ‘Vies-à-Vies’.

Le groupe fut nommé ‘ Magdalites’. Pourquoi un tel nom? Pour répondre, il faut se souvenir de l’ambiance de l’époque.

B. Neipp avait travaillé la figure de Marie de Magdala et moi celle de Hokhma-Sagesse de Dieu. Nous nous étions ainsi distancées de la représentation du féminin par Marie, la mère de Jésus, qui durant longtemps occupait seule cette scène en théologie catholique et avait déjà été décentrée par la tradition réformée, mais sans être vraiment remplacée.

Marie de Magdala n’était-elle pas une femme? Une amoureuse? Certes, considérée par certains comme pécheresse repentie et aimante.

En réalité, apôtre, envoyée la première par le Ressuscité pour annoncer la bonne nouvelle aux autres. Et puis, tant d’artistes l’avaient aimée au cours des siècles... Elle nous sembla proche de notre propre féminité.

Marie de Magdala n’étant pas sans lien avec la Sagesse de Dieu, il me parut tout à fait possible de suivre la proposition de l’une d’entre nous , Anne-Lise Fink,qui suggéra de nous réunir sous le nom de ‘Magdalites’ (dérivé de Magdala ).

Ce groupe dura de 1992-1997.

Il comporta un nombre variable de femmes de confessions différentes, engagées à des titres divers dans l’Eglise, l’Université, la société, mais toutes préoccupées de trouver leur place et de faire reconnaître leur parole et leur pensée autour d’elles.

On y partageai préoccupations du quotidien et lectures intéressantes, ce dont il ne reste aucune trace écrite.

Une fois par année au moins, le plus souvent à Noël, parfois à Pâques, une célébration était mise sur pied et, particularité à souligner, elle était menée conjointement par les membres du groupe (cf exemple ci-dessous).Chacune était responsable d'une partie de la célébration. Ce n'était pas toujours la même personne qui s'occupait de la même partie. Là également, nous avions introduit le partage.

Quelques exemples de ces moments de prière commune sont ajoutés à cette page. Ils constituent une liturgie créée pour la circonstance, qui comportait ses spécificités, mais qui voulait aussi s’inscrire dans la grande tradition de l’Eglise chrétienne.

Ainsi, cette expérience de sororité, solidarité et partage, releva aussi bien du travail intellectuel que de la vie spirituelle.

Le groupe s’est dispersé par les circonstances de la vie de chacune. Nous avons donc mis officiellement fin à son existence.

Que reste-t-il ?

Il en reste beaucoup de traces dans la vie de chacune et ces quelques reflets écrits que nous souhaitons inscrire dans les archives de l’histoire de la théologie faite par des femmes en Suisse Romande.

Signalons, cependant, que deux femmes ont refusé que leurs textes fassent partie de ce dossier 'pour mémoire'.

Pour le groupe: Michèle Bolli mibolli@mydiax.ch .

Buts

Après une période empirique, le groupe précisa ses objectifs de travail. (formulés pour le groupe par M-C.Borel, 1994).

- Tisser l'amitié. Faire part d'expériences. Exprimer les identités féminines. Se ressourcer afin de renouveler les engagements personnels.

- Echanger des informations: conférences, séminaires, activités exprimant le mouvement des femmes, activités culturelles diverses, cinéma, littérature, etc.

- Célébrer Dieu dans la foi au Christ historique, mort et ressuscité. Créer des textes et des gestes liturgiques.

- Etudier les points de vue de femmes sur le fait chrétien, dans les disciplines théologiques traditionnelles, biblique, dogmatique, historique, pratique, et plus encore, dans l'interdisciplinarité déjà pratiquée à ce moment-là par plusieurs d'entre nous. Partager les résultats de ses propres recherches.
 

Quelques traces de célébrations

Célébrations pour le temps de l'Avent , pour Noël, pour l'Epiphanie.

Introït 3 (Jane)

J'aimerais vous faire connaître les voix noires, les voix des femmes noires qui parlent de moi...

Une tâche difficile, car le voyage n'est pas le vôtre. Beau à entendre, possible à comprendre, si on prend le temps... Vous saurez qui je suis et pourquoi je crie!

( Et elle a traduit pour nous le poème de Maya Angelou: And Still I Rise, extrait de Maya Angelou Poems, Bantam Books, N.Y. 1986,p.154-55.

" Vous pouvez me décrire dans l'histoire

Avec vos messages amères et tordus

Vous pouvez m'écraser dans la terre

Mais, comme la poussière, je me lèverai.

Vous pouvez m'abattre avec vos mots,

Vous pouvez me couper avec vos yeux,

Vous pouvez me tuer avec votre haine,

Mais, comme l'air, je me lèverai.

Sortie des huttes honteuses de l'histoire

Je me lèverai.

Venu du passé enraciné dans la douleur

Je me lèverai.

Je suis l'océan noir, flottant, vaste

Etalé et gonflant, je résiste à la marée.

Laissant les nuits de terreur et de peur

Je me lève.

Vers l'aube qui est merveilleusement claire

Je me lève.

Apportant les cadeaux offerts par mes ancêtres

Je suis le rêve et l'espoir de l'esclave

Je me lève

Je me lève

Je me lève".

Traduction J. Pache.


Confession des péchés (Marie-Claude).

" Dieu source de ma vie,

mon péché, je le vois au coeur de certains refus d'être moi-même,

d'avancer sans me cacher, au grand jour, fièrement;

mon péché, je le vois derrière une culpabilité qui me ronge,

que je laisse me ronger, à l'intérieur;

mon péché, je le vois dans la sous-estimation de la valeur de ma vie,

de la valeur de ses expressions personnelles;

mon péché, je le vois comme un manque de confiance, sur ma route;

mon péché, je le vois qui transforme mon regard: il devient adorateur d'autrui, il autorise autrui à prendre possession de mes pensées, de mes actions;

autrui prend ma place;

mon péché, je le vois dans la solidarité cassée, avec des femmes, des hommes, en quête de dignité, parce que je crains les conflits, les haines.

Dieu, source de ma vie,

reçois ma confession qui dit mon désir de vivre, d'être moi, d'être libre, d'être active, d'être confiante, d'être juste et solidaire.

Pardonne, renouvelle,

et guéris mon péché".
 

Méditation ( Michèle)

Pour une entrée dans la veillée de Noël

Il pleut, il gèle

Il gèle, il pleut

Comme chaque hiver

Prises et déprises structurent la vie quotidienne.

La lumière arrive à son point le plus bas - ce soir commence la plus longue nuit de l'année mais c'est aussi au terme de ce temps que va s'inverser la dynamique présente, qu'à l'aube la lumière va recommencer à grignoter une part de la nuit...

Prise et déprise ...

A l'est grondent les bruits de bottes - angoisse; au centre se lèvent les cortèges de mécontents; à l'ouest se poursuit la course folle à la consommation; au sud la souffrance et la faim immobilisent des peuples entiers : la terre serait - elle devenue un enfer ?

Retenons un instant la réponse qui monte aux lèvres pour considérer aussi que, dans le même temps, des chaînes de solidarités commencent à s'y former du nord au sud, de l'ouest à l'est : espoir ! Espoir d'un déserrement de l'emprise de la violence ou du moins d'un sérieux contrepoids.

Prise et déprise...

Et, nous, habitantes de cette obscurité, nous nous tenons devant Toi, toutes les quatre, et une cinquième, absente de corps, ayant rejoint une parenthèse à cause d'une autre noirceur, à cause de notre blancheur aussi...

Prise et déprise...

Nous avons besoin de rassembler nos forces,

de lâcher les poids que nous avons traînés - souvent malgré nous - au cours de cette année,

de lâcher nos rancoeurs, nos déconvenues,

de soigner nos bleus et nos plaies, séquelles d'affrontements inévitables, voire nécessaires, avec les autres et avec nous-mêmes.

Lâcher pour retrouver la paix et redevenir capables d'apporter un peu d'amour et de beauté autour de nous.

Prise et déprise....

Après cette phase de purification, nous venons te demander de nous tendre la main et de souffler sur la braise de nos coeurs pour que la flamme s'y élève à nouveau chaude et claire;

pour que cette lumière nous permette de comprendre comment, chaque jour, depuis ce premier jour de Noël, ton Esprit fait alliance avec des êtres humains, pour te mettre au monde.

Nous te le demandons, O notre Dieu qui habita aussi bien la condition d'une mère en travail que celle d'un petit être humain arrivant au jour".


Méditation 2. Eph.2,13-17, (Jane) extrait

"Créer des murs... c'est facile, il nous faut:

Un peu d'inconsciece

trois fois rien de haine

une hautedose d'indifférence

un soupçon de jalousie

Une bonne poignée de force égo!iste

beaucoup d'inertie

une immense part de silence

sans oublier le petit grain de sel

d'un comportement ambitieux et malsain.

Mélanger le tout comme si on était aveugle

et voilà, les murs sont solidement installés pour nus séparer.

Je ne puis vivre entre ces murs-là...

C'est mortel.

Je ne puis vivre sans l'espoir qu'un jour, un esprit plus grand que toutes ces forces-là puisse démolir les murs qui nous séparent.

Je puise le fondement de mes espoirs dans la force du St-Esprit. Comme décrit dans l'Ecriture... Il est présent parmi nous".
 

Méditation (Michèle)

Epiphanie de Dieu dans le monde des femmes.

Simples notes pour une méditation de Noël, avec en arrière-fond le tableau de G. de La Tour intitulé Le nouveau-né, av. 1650 date de sa mort. Un peintre contemplatif dont les tableaux suspendent le temps.

Au centre une tête de nouveau-né.

De là se diffuse la clarté qui est contenue par les corps de deux femmes

comme un rempart empêchant la nuit de se répandre et d'atteindre l'enfant comme un berceau de lumière au coeur du monde.

Elles ont bons dos...ces femmes, dos ronds, souples et solides...

La robe rouge adoucit la luminosité en l'absorbant, en la laissant entrer dans sa trame. L'autre. celle d' Anne peut-être ou d'Elisabeth, ou encore d'une voisine, dont le corps s'estompe dans le noir, mais le visage et la poitrine s'imprègnent de lumière, lève une main sûre et protectrice.

La femme à la robe rouge regarde, un peu incrédule encore, se répétant doucement oui l'attente a pris fin - contemple la merveille qu'elle tient dans ses mains.

Douceur et densité de cette scène qui nous conduit à évoquer les sages femmes résistant à Pharaon, ou encore les femmes qui ont recueilli le nouveau-né Moïse.

Ici, des femmes accueillent la Lumière du monde...

Des femmes accueillent ce Dieu qui vient au coeur de la fragilité humaine...

Des femmes le portent dans leurs bras de tendresse pour commencer à lui faire une place dans le quotidien de l'humanité.

Epiphanie.

Epiphanie . mot qui porte la lumière, qui dit l'action de se faire voir, de se montrer- ici action de cette Présence autre au coeur des apparences. Oui, ce Dieu de lumière se fait voir et rend clair celles et ceux qui l'entourent. La lumière ne dit-elle pas aussi la connaissance...Il se fait connaître et se donne à re-connaître.

Ce Dieu qui vient se faire voir est aussi le Dieu qui sauve. Il apparaît pour aider son peuple en situation de détresse.

Peuple d'hommes et de femmes... et je ne peux m'empêcher de penser ce soir à toutes les femmes qui souffrent, jetées, battues, violées ou réduites à n'être que des images sans intériorité, sana vie propre, sans pouvoir, qui souffrent sous des lois injustes religieuses ou civiles - je pense au témoignage de Taslima ou à la situation des femmes algériennes.

Comment, nous qui pouvons accueillir - comme les femmes du tableau - Celui qui est la Lumière en ce Noël 1995, comment laisser cette clarté se diffuser à toutes et à tous ? Comment faire connaître cette force spirituelle tissée de tendresse et de détermination ?

Comment repérer de mieux en mieux dans le flot quotidien les moments, les êtres, les événements à travers lesquels cette Lumière affleure et ne demande qu'à être plus vivement reflétée ?

Mieux que quiconque Marie a eu le loisir de méditer cette folie de notre Dieu : se faire être humain prendre le risque de se perdre pour rejoindre l'autre, ces autres que nous sommes....

Mouvement qu'elle a su accepter la première en son corps, mais aussi, comme j'aime à le rappeler, en toute sa personne, car aucune femme n'est seulement mère par son corps, tous les niveaux de son être sont mobilisés par ce rôle.

Et la robe rouge du tableau me semble exprimer cette qualité présence à ce qui naît, à celui qui naît.

Il me vient une ultime question : n'avons-nous pas comme tâche aujourd'hui de former cet espace lumineux, serein, limité de deux côtés, et des deux autres, ouvert à celui ou celle qui veut venir contempler ?

N'avons-nous pas à engager nos personnes entières pour offrir ce lieu à la Parole de Dieu venant aujourd'hui dans le monde ?"
 

Action de grâce (Michèle)

Je te rends grâce, Seigneur !

parce que tu me délivres peu à peu

- et non sans souffrances -

de mes peurs,

de mes préjugés,

de mes enfermements pour, à chaque fois,

me pousser à renaître au mouvement,

comme une mère met au monde son enfant.

Je te rends grâce

pour ton désir d'être avec nous chaque jour.

D'être là où nous sommes, femmes,

dans ce monde si chaotique,

si convulsé

et si machiste parfois.

Pour ta proximité créatrice habitant

nos mains et nos lèvres

nos coeurs et nos reins

lorsqu'ils nous signifient plutôt l'amour que l'angoisse,

habitant la vie par les rythmes de notre corps où, tour à tour,

elle se prépare et se dénoue

Ta Proximité appuie notre confiance en ceux qui nous accompagnent

dans l'existence, avec lucidité, sachant que personne n'est parfait,

et surtout pas moi.

Je te rends grâce

parce que tu ne nous mets pas de côté,

nous les femmes,

tu nous appelles aussi à être tes témoins

- te riant de ce terme enfermé dans le masculin -

tu trouves de la nourriture pour nos esprits et nos coeurs

tu fais grandir notre envergure

et tu formes nos paroles pour qu'elles servent à toutes et à tous.

Je te rends grâce

pour ton Esprit

dont parfois, toute surprise,

je découvre la présence et la précédence

au coeur des liens qui se nouent et se dénouent.

Je te rends grâce

pour ton Fils qui a fait,

pour nous tes filles, l'impensable :

homme qui a su

relever plus d'une femme

se laisser interpeller et dérouter par la Syrophénicienne

se déranger pour guérir la petite fille de Jaïre

se laisser connaître par Marie, la parfumeuse

montrant ainsi le chemin relationnel.

Ton Fils et ton Esprit - incarnation de ton Nom Sagesse dans nos vies -

nous manifestent ton exigence :

détourner nos énergie de la prédation

vis-à-vis des richesses de la terre

et vis-à-vis de nos semblables \par pour y substituer la solidarité.

Nous manifestent encore Ta force

capable, lorsque nous l'acceptons,

d'ouvrir nos yeux à ta lumière.


Je te rends grâce

pour ta paix qui, par moment, envahit nos personnes

et nous fait goûter à la réalité de la réconciliation.

Je te rends grâce pour cette alliance

qui prend forme particulièrement

dans la réalité de la sororité qui se vit dans ce groupe

et dans d'autres.

Je te rends grâce

parce que de nouveau tu nous rassembles

après ce temps de vacances,

comme les grains nécessaires pour former un morceau de pain,

partie de cette miche que constitue ton église pour le monde.

Ainsi, tu nous fais connaître la réalité de ta Promesse en train de s'accomplir dans chacune de nos vies.


Dossier 'pour mémoire'.

Lausanne, le 3 octobre 2001, Michèle Bolli mibolli@mydiax.ch.

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Textes de théologiennes romandes - collectionnées de Michèle Bolli, Dr. en théologie